La chasse vue par une hypocrite de la viande

Par Anne-Sophie Paquet-T. 5:00 AM - 1 octobre 2023
Temps de lecture :

Souvenir de ma première expérience d’accompagnement à la chasse à l’orignal en 2017.

La chasse à l’orignal débute pour certains, bien entamée pour d’autres. La traque aux petits et gros gibiers sur la Côte-Nord est un moment particulier, je dirais même un moment sacré. Une sorte de frénésie de début de saison parsemée de traditions et de rituels. Je l’avoue, cette réalité a été un choc culturel pour moi. J’ai été indignée et j’ai injustement jugé les amateurs de ce sport récréatif. Aujourd’hui, je fais mon mea-culpa.

on mea-culpa Anne-Sophie ? Oui, oui, reculons de 10 ans afin de mieux comprendre.

Moi, Anne-Sophie Paquet Thériault, Sherbrookoise, urbaine à l’os, j’adorais pratiquer des activités comme la gym et le magasinage. Les restos et les terrasses étaient des endroits parfaits pour moi. Les murs de béton et la vie nocturne me plaisaient bien. Les lieux bondés de monde et le réflexe de sortir de l’argent de mes poches presque à tout moment dès que j’avais le nez dehors, faisait partie de tout ce que j’avais connu.

Je visais une vie montréalaise avant même de songer à un exode en région éloignée. Amoureuse des animaux, sans pour autant être végétalienne ni même végétarienne, je ne levais jamais le nez sur une bonne pièce de viande.

Je l’avoue, ce n’était pas rare de partager un bon beefsteak ou un filet mignon, entourée d’amis et de bons vins tout en ne songeant pas d’où provenait ma protéine rouge.

Parfois, elle apparaissait magiquement dans mon assiette avec une cuisson moyenne saignante bien indiquée au serveur du restaurant. Dans d’autres occasions, elle était convenablement choisie chez un boucher du coin qui m’expliquait que son bœuf était biologique, sans antibiotique et libre.

Wow, quel bon choix, un moyen saignant d’élevage libre ! Je ressentais une réelle satisfaction et j’avais l’impression de faire « les bons choix », autant pour ma santé que pour l’animal imaginaire. Les étapes précédentes de mon festin ne me frôlaient pas du tout l’esprit.

Une hypocrisie volontaire et insouciante qui « n’aimait mieux pas y penser ».   

Confronté à cette réalité

Il y a 10 ans, la Côte-Nord m’a accueillie à bras ouvert pour me faire une belle place dans la région. J’adorais la zénitude, les paysages, le calme et la simplicité de vivre sa vie. Il y a une façon de s’ancrer à l’essentiel ici qui me plaît autant qu’à mon premier jour de nouvelle Nord-Côtière. Une véritable révélation à moi-même.

Sachant bien que je suis partie vivre dans la région où l’hiver se prolonge et l’été se fait attendre, je n’avais pas pris conscience que je partais au paradis des tueurs d’orignaux.

Oh là là, les méchants chasseurs qui se pavanent avec la tête de leur bête abattue avec fierté sur les camionnettes et véhicules tout-terrains. Je ne comprenais pas. J’avais tant de questionnements. Pourquoi l’humain s’invitait-il dans l’habitat naturel des animaux pour les abattre ? Pourquoi les chasseurs se réjouissaient-ils d’avoir tué une bête ? Pourquoi, une fois sur la route en
terre nord-côtière, pouvais-je lire « Urine de jument en chaleur à vendre » ? Coudonc, où étais-je atterri moi ?

S’initier pour mieux s’informer 

C’est en 2017, l’année où j’ai rencontré mon conjoint, que je me suis mise à m’interroger sur la chasse afin de mieux la comprendre. J’ai ouvert mes œillères,
mis de côté mes jugements et j’ai décidé de m’initier. J’ai suivi mon conjoint le temps d’une saison d’observation. Une vraie stagiaire des bois avec de nombreuses questions. J’ai découvert une réalité bienveillante envers les animaux et envers la biodiversité. Une réglementation et des limites respectables étaient bien établies. Évidemment, des raisons
alimentaires, économiques et écologiques ne sont pas à banaliser non plus.

En plus de me connecter mieux que jamais avec la nature, j’ai ressenti un bien-être et une paix d’esprit dépurative. J’ai pris le temps d’écouter le silence dans ses moindres détails afin de vivre une des meilleures thérapies de ma vie. La sainte paix ! 

Un respect important 

Une fois que l’animal est abattu, idéalement sans souffrance, ce sport récréatif ne s’arrête pas là. Les chasseurs se transforment en randonneurs au sens de l’orientation aiguisée.

Une fois arrivé devant la bête, l’amateur de chasse doit aussi avoir de vraies habiletés de boucher en plus de détenir des connaissances en contrôlant la qualité de la chair. Ouf, ce n’est pas une mince affaire ! Depuis six ans, je peux maintenant affirmer que ce résultat n’arrive pas par magie dans nos assiettes. Il y a du travail et de la stratégie derrière nos moyens saignants.

Chers chasseurs, au nom des carnivores observateurs, casquette basse.

Partager cet article