Une culture à changer au hockey sur la Côte-Nord

Par Sylvain Turcotte 4:00 PM - 9 avril 2024
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Des images des événements survenus aux Championnats régionaux de Hockey Côte-Nord et qui ont fait le tour du Québec.

Le hockey en a pris pour son rhume le 31 mars, lors de la finale de la catégorie M15 B, aux Championnats régionaux de Hockey Côte-Nord. Le Mikun de Uashat mak Mani-utenam s’est incliné dans la controverse face aux Vikings de Baie-Comeau. But refusé en prolongation, bagarres et altercations. Les images ont fait le tour du Québec. Des événements que le président de l’Association du hockey mineur de Uashat mak Mani-utenam ne veut plus voir dans le futur.

Parmi les événements qui ont marqué ce match, il y a le but inscrit en prolongation qui aurait donné la victoire au Mikun. Il a été refusé, car l’arbitre, qui avait perdu la rondelle de vue, venait de siffler.

Directeur exécutif aux opérations à Hockey Québec, l’ancien arbitre de la Ligue nationale de hockey, Stéphane Auger, a fait savoir au Nord-Côtier que le but n’était pas bon.

Il est aussi revenu sur l’intervention de l’arbitre sur un joueur du Mikun dans les altercations survenus en fin de partie, que le chef d’ITUM, Mike Mckenzie, déplorait, parlant de geste similaire à ce qui s’est passé aux États-Unis. M. Auger a assuré qu’il n’y a pas eu usage de force excessive en voulant retenir le joueur qui avait auparavant blessé un porte-couleurs des Vikings. 

Au lendemain de ces événements à Baie-Comeau s’en sont suivi une parade dans les rues de Sept-Îles et Uashat pour des parents et hockeyeurs innus et le brûlage des médailles en signe d’injustice. 

La fin des tensions

David Jean-Pierre en est à sa première saison à la tête de l’organisation du hockey mineur de sa communauté. Non seulement il veut que ce soit tolérance zéro pour la violence, mais il veut aussi régler les tensions qui règnent entre Uashat mak Mani-utenam et Baie-Comeau dans son sport.

Il parle d’historique entre les deux villes. « Simplement taper racisme, hockey et Baie-Comeau sur Google », soulève-t-il, sans pour autant relier les événements du 31 mars au racisme. 

M. Jean-Pierre parle aussi de rivalité entre sa communauté et Baie-Comeau depuis des années. Uashat mak Mani-utenam a des équipes intégrales au hockey mineur, depuis la fin des années 80.

« C’est intense partout, mais c’est moins pire qu’avant. »

Il a d’ailleurs échangé avec le président du hockey mineur de Baie-Comeau, pour que les choses changent. David Jean-Pierre a apprécié le professionnalisme de son homologue, Martin Gagné.

De son côté, M. Jean-Pierre est conscient qu’il y a une culture à changer au sein de son organisation, des parents et des joueurs.

« Le sport, c’est l’école de la vie, pour apprendre les bonnes valeurs », souligne-t-il, parlant notamment du respect et de la persévérance. Si c’est sain dans les estrades, ce le sera sur la glace, selon lui. « Il faut faire de la sensibilisation. »

David Jean-Pierre s’appuie aussi sur les événements de réconciliation, afin que les choses continuent d’avancer dans la bonne direction pour les rapprochements entre allochtones et autochtones.

La première édition du Tournoi Minu-Uitsheutun, tenue du 3 au 7 avril à l’aréna Mario-Vollant, en est un bel exemple. Il réunissait certaines formations composées de jeunes allochtones avec des autochtones. « Ça prouve que c’est ce que veut la communauté », dit-il. 

Du racisme sournois

(ST) Ken Rock a été impliqué brièvement au sein de Hockey Côte-Nord. Il a senti une ouverture face aux communautés autochtones, malgré une certaine résistance. Il dit voir encore du racisme dans le hockey de façon sournoise. 

L’Innu, directeur de la Société de développement économique de Uashat mak Mani-utenam, a été vice-président communautés autochtones à Hockey Côte-Nord durant deux ans. Il a terminé son mandat l’an dernier. Il avait été invité à se joindre à l’organisation par Jean-Pierre Bérubé, qu’il connaissait bien. 

Au départ, Ken Rock a senti une ouverture pour les relations avec les communautés, avec un rôle d’intermédiaire avec les associations de hockey mineur autochtones. 

Un de ses projets aura été la formation d’une équipe innue, pour le Championnat provincial tenu à Sept-Îles en avril 2021. « Il y avait une résistance de certains, qui n’y croyaient pas. On n’a pas été déclassé. »

M. Rock assure que les relations se sont beaucoup améliorées, notamment avec les initiatives de rapprochements. 

Il déplore toutefois qu’il n’y ait pas eu de continuité au sein du CA de Hockey Côte-Nord, après son départ, avec de la relève composée de gens autochtones.

Racisme présent  

Ken Rock soutient qu’il y a encore du racisme dans le hockey, même si des liens se sont tissés depuis. 

Il évoque même du racisme systémique, même si ce n’est pas apparent. « C’est souvent sournois. Le racisme, c’est un manque de sensibilisation à une culture différente. On s’en va dans la bonne direction, mais il y en aura encore. Il faut mieux se connaître », souligne-t-il. Il salue le travail de rapprochement et de réconciliation entre le chef d’ITUM, Mike Mckenzie, et l’ancien maire de Sept-Îles, Réjean Porlier.  

Au niveau du racisme, Ken Rock parle entre autres d’un joueur retranché d’un camp, il y a quelques années. Il déplore l’attitude qu’avait prise l’entraîneur. Il avait été demandé aux hockeyeurs d’arriver pour un certain temps avant un match. Le jeune innu, pour qui le français était sa troisième langue, n’avait pas compris le message. « L’entraîneur aurait pu lui expliquer autrement », déplore M. Rock.   

Il veut que les entraîneurs et dirigeants comprennent la réalité autochtone, le passé.  

C’est d’ailleurs ce que Ken Rock évoque des événements des Championnats régionaux. « La frustration devient plus grande quand on regarde ce qu’on a vécu. Il y a des éléments du vécu qui ont des conséquences, il y a les injustices du passé », mentionne-t-il. 

M. Rock aurait aimé aussi voir une meilleure gestion de crise de la part de Hockey Côte-Nord, lors des événements qui se sont produits il y a dix jours. 

« Il y a quelque chose de malade dans le hockey. Il y a une éducation à faire. Les jeunes ont plus de sagesse que les parents. »

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