On l’appelait Monsieur B !

Par Raphaël Hovington 12:00 PM - 10 avril 2024 Chroniqueur
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Paul Brisson nous a quittés le 2 avril. Photo Claude Mazerolle

Paul Brisson s’est éteint le 2 avril. On l’appelait respectueusement Monsieur B parce qu’il a toujours été considéré comme un grand ténor du monde de la presse régionale au même titre que Monsieur P le fut sur la scène québécoise avec ses quotidiens de Montréal et de Québec. Quel est ce mystérieux Monsieur P ? Vous avez deviné qu’il s’agit de Pierre Péladeau, le père et le fondateur de Quebecor.

Ces deux hommes se ressemblent à bien des points de vue. Monsieur P était un Précurseur et Monsieur B, un Bâtisseur. Son aventure dans le monde des médias commence en 1968, alors qu’il s’associe avec Christian Savard, pour fonder le journal Plein Jour. Professeur d’histoire à l’école St-Luc de Forestville, il a toujours été animé par la fibre des affaires. À l’origine, le Plein Jour était une bien modeste publication, mais porteuse d’immenses promesses d’avenir.

J’y ai collaboré en 1969. C’est à cette époque que j’ai fait la connaissance de Paul Brisson. J’ai assisté à son enterrement de vie de garçon et à son mariage avec une voisine de Paul-Baie, Claire Michaud, le 19 juillet de la même année, en l’église St-Luc. Paul et Claire sont des inséparables et d’infatigables travailleurs. Ils se complétaient à merveille, d’où le succès et la réussite du couple en affaires.

En 1972, Paul fait le grand saut. Il opte pour la publication d’un journal de format tabloïd. Il joue maintenant dans la cour des grands et s’y taillera une place remarquable. Suivront plus de 17 autres journaux tant sur la Côte-Nord que dans Charlevoix et même à Dolbeau. En 1980, il vend ses journaux à Quebecor, qu’il fait prospérer jusqu’à la rupture survenue en 1995 avec le géant québécois. Paul traverse alors une période extrêmement difficile, mais comme il n’est pas homme à s’apitoyer sur son sort, il retrousse ses manches et recommence, avec son frère Luc, une nouvelle carrière dans le monde des journaux qui sera couronnée d’un immense succès. La preuve : ce journal, Le Manic, que vous recevez chaque semaine à votre porte et auquel j’apporte une modeste contribution depuis un certain temps.

Paul Brisson a toujours cru en la nécessité d’une presse régionale libre et indépendante. Il a mené plusieurs combats pour les Hebdos Régionaux, Hebdos Québec aujourd’hui, entre autres pour en assurer la survie. En 2010, ses pairs ont reconnu son apport exceptionnel au monde de la presse régionale en lui décernant l’Ordre des Hebdos du Québec. Il est le seul Nord-Côtier, avec Gérard Lefrançois, fondateur de L’Aquilon et du Journal La Côte-Nord, à avoir obtenu une telle reconnaissance de la confrérie des éditeurs québécois.

Tout le monde a loué le sens des affaires de Paul Brisson. Il en avait l’intelligence, le flair, la passion et l’audace. Le monde des affaires est parfois cruel, mais aussi oh combien stimulant. Paul ne se contentait pas seulement de brasser des affaires, mais il s’est grandement investi dans la communauté. Le Bergeronnais en lui voulait améliorer la vie des autres. Il a notamment présidé le premier Téléthon de la paralysie cérébrale sur la Côte-Nord et s’est impliqué dans les premières campagnes de financement de Centraide et de Point de Rencontre. Il a fait partie des fondateurs de l’école privée de Baie-Comeau. Il s’investissait pleinement dans ces causes qui lui tenaient à cœur et les couvraient de son prestige d’éditeur pour leur faire gagner du terrain. Avec Paul, tout le monde se savait gagnant.

Paul a aussi laissé sa marque dans le domaine culturel. Il a coprésidé le comité d’implantation de la salle de spectacle de Baie-Comeau. Il a aussi été de l’aventure du Festival international de jazz de Baie-Comeau avec Emma Duncan Kerr. Les deux ont reçu l’Ordre de Baie-Comeau en 2012, en même temps que Brian Mulroney, pour leur implication, le premier dans le secteur économique, la seconde dans le secteur communautaire.

Paul Brisson est un véritable livre d’histoire. Il croyait en un Québec fort, ce qui ne l’empêchait pas de respecter les fédéralistes. Comme éditeur, il n’intervenait pas dans le contenu rédactionnel de ses journaux, laissant pleine liberté à ses journalistes. Je le connais depuis 1969 et j’ai travaillé avec lui durant 15 ans. Ces dernières années, il a été sérieusement affecté par la maladie. Mes sympathies à Claire et leurs enfants, Paul Jr, Yves et Simon !

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