Une rencontre avec l’auteure dramatique Isabelle Hubert

16 janvier 2013
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Baie-Comeau – Par le biais de Les Voyagements – le théâtre en tournée, Isabelle Hubert, auteure de la pièce Laurier-Station. Mille répliques pour dire je t'aime, qui sera présentée au Centre des arts le 2 février, était en visite à Baie-Comeau pour rencontrer le milieu littéraire, théâtral et le grand public. Généreuse de sa personne, Mme Hubert a bien voulu révéler la naissance et l’explosion de sa passion pour le théâtre. Même si elle se souvient de la première pièce qu’elle a vu, son amour pour cet art de la scène demeure à tout le moins inexpliqué.

Julie-Andrée Verville

 

Quel a été le point de départ de votre passion pour le théâtre ?

 

Je suis née à New Richmond en Gaspésie et à l’époque, ça n’existait pas vraiment des pièces de théâtre présentées là-bas, sauf qu’il existait l’organisme TPQ, Théâtre populaire du Québec, qui avait pour mission d’apporter le théâtre en région. Ma mère m’avait abonnée, ce qui me permettait de voir quatre pièces de théâtre jouées par des professionnelles. Je me souviens de la première pièce que j’ai vue, La famille Toutcourt en solo ce soir, une création québécoise contemporaine. Je devais avoir 10 ans. Deux choses m’ont marquée en la voyant, soit le fait qu’un personnage était jouée par Ève Gagné, qui faisait la voix de Cannelle dans Passe-Partout, et qu’un gars se mettait tout nu en face de moi dans la pièce. Je me suis dit ; «Wow, tout est permis au théâtre». Au cours de mon adolescence, j’ai vu toutes sortes de pièces, que ce soit de Chekhov, Mariveau, du québécois, du psychologique américain. J’étais hameçonnée par le théâtre.

 

Comment vous sentiez-vous quand vous alliez voir une pièce de théâtre ?

 

Je me souviens de la joie immense que j’avais. Je me pinçais, c’était comme si je rêvais. Puis, pendant des semaines après la représentation d’une pièce, je pouvais continuer à goûter à ce bonheur. Pour exploiter d’avantage cette passion, j’avais toutefois hâte de quitter la Gaspésie. J’étais vue comme bizarre à mon école, parce que je sortais des livres de la bibliothèque que personne n’avait empruntés avant, tels que du Shakespeare.

 

À présent, vous êtes l’auteure de plusieurs pièces de théâtre qui ont été jouées partout au Québec. Comment avez-vous découvert que vous aviez un don pour l’écriture?

 

J’ai su qu’un cours en écriture dramatique se donnait à l’École nationale de théâtre du Canada. J’ai tenté ma chance en envoyant un texte. J’ai été immédiatement prise. Autant mes tentatives pour être comédienne ont été infructueuses, autant ça a été facile en écriture. C’était presque magique, d’autant plus que seulement deux personnes sont prises par année pour suivre le cours. Pendant que je faisais mes auditions pour être comédienne, j’étudiais à l’université en théâtre et j’avais pris des cours en création littéraire. Les professeurs me donnaient des A et me disaient que j’étais bonne en écriture. Ça a été une découverte, celle de la poupée russe au fond, qui révèle une belle surprise.

 

Comment se définit votre écriture ?

 

J’écris des choses toujours à la fois drôles et dramatiques. Plusieurs personnes me disaient qu’il fallait choisir l’un ou l’autre, mais je n’en étais pas capable. Pour moi, la vraie vie, c’est de témoigner de chaque situation et selon la lunette que l’on met, il peut y avoir du comique et du triste à la fois.

 

Comment la pièce Laurier-Station. Mille répliques pour dire je t'aime a-t-elle vu le jour ?

 

C’est l’une des pièces sur lesquelles j’ai le plus travaillé. Le côté très personnel de celle-ci faisait que c’était très difficile de l’écrire. Ça m’a pris du temps, mais 90 % du temps, elle était dans le tiroir. J’avais commencé à vouloir travailler sur un texte qui parlait de la mort et de l’héritage. En cours de route, alors que déjà six ou sept versions du texte étaient rédigées, j’ai appris que ma mère avait le cancer et finalement, elle est décédée. Je n’ai plus eu envie d’écrire sur le sujet. Quand j’ai repris le texte, ma perception était maintenant colorée par cette expérience qui rendait mon texte plus personnel. La mort, c’est quelque chose qui touche tellement de monde. C’est universel, et ma situation en particulier a fait que ça allait rejoindre un vaste public.

 

Quelle réception a la pièce auprès du public ?

 

Créée à Québec à l’automne 2011 pour une série de 25 représentations, elle a depuis voyagée dans 22 villes et l’accueil est formidable. Je reçois beaucoup de commentaires de gens qui me disent : «Vous avez raconté mon histoire». Ça les rejoint, c’est ce qui est le plus frappant.

 

Photo : Le Manic