Pluie et pourriture au menu: les cultures en arrachent

12 août 2015
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Baie-Comeau ­– Le temps maussade de juillet dans la Manicouagan n’a pas fait le malheur que des vacanciers et des amateurs de plein air. Les producteurs agricoles ont aussi écopé, particulièrement en ce qui a trait aux récoltes de fraises.

Charlotte Paquet

La saison de cueillette des fraises est pratiquement terminée, mais une chose est sûre : Dame Nature n’aura pas été du bon bord en 2015. À Pointe-Lebel, le Potager Nordik (l’ancienne Ferme Aux Jardins des prés) et la Ferme Manicouagan ne l’ont pas eue facile. Les petits fruits ont baigné dans l’eau plus souvent qu’à leur tour. Une partie des récoltes a pourri sur les plants.

«On a eu des pertes pour les grosses fraises. Ç’a fait plus d’ouvrage, car il faut enlever celles qui sont pourries afin d’éviter de faire pourrir les autres. Les fruits mûrissent, mais, vu qu’il ne fait pas beau, on ne peut pas les récolter et la pluie vient accélérer la pourriture», explique Éric Poitras, propriétaire du Potager Nordik. «Ce n’est pas comme si j’avais une équipe de Mexicains pour m’aider à la récolte», ajoute celui qui travaille au champ avec un employé, son bras droit en quelque sorte.

À la Ferme Manicouagan, Donald Bérubé jette aussi un regard amer sur ses récoltes des dernières semaines. «Trop de pluie, ce n’est pas bon pour les fraises. On a eu de grosses pertes. Le volume est moins élevé et ça fait de la pourriture. Les fraises ont besoin de soleil et de chaleur pour pousser, mais heureusement, le mauvais temps n’a pas changé leur goût», précise-t-il. Comme la météo n’était pas souvent propice, l’autocueillette a été moins courue.

Oubliez le maïs

Les consommateurs doivent aussi se résoudre à faire une croix cette année sur la cueillette de maïs à la Ferme Manicouagan. L’an dernier, la récolte possible de ce légume avait été une belle surprise pour plusieurs, mais il faut l’oublier pour 2015.

Les nuits fraîches de juin ont fait geler les plants de maïs. «Et si ça n’avait pas été le froid, ça aurait été la pluie. D’une manière ou d’une autre, la pluie n’aurait pas permis de les faire pousser», explique M. Bérubé. Le producteur s’est résigné à détruire complètement les plantations de son champ de maïs couvrant un hectare. «On aurait pu avoir plusieurs dizaines de poches», souligne-t-il, déçu.

Même le champ de foin a souffert de la météo défavorable. «Le foin a besoin d’eau pour pousser, mais pas trop. Il a aussi besoin de chaleur », précise celui qui est évidemment «en retard sur ses foins». L’an passé, il avait fini la récolte le 23 juillet. Cette année, il n’en avait pas encore fait la moitié le 6 août. Pour sa part, sa production de céréales s’en est passablement bien tirée malgré tout.

Jusqu’à présent, un petit fruit s’en sort plutôt bien malgré la pluie et la fraîche, et c’est la camerise. La saison de récolte est cependant terminée chez les deux producteurs de Pointe-Lebel.

Framboises et amélanchiers

Au Potager Nordik, Éric Poitras se croise les doigts en ce qui concerne la saison des framboises, qui commence à peine. Il restera aussi la récolte de l’amélanchier, un petit fruit reconnu heureusement pour sa résistance. «On va prendre cette année-là comme elle est venue et on va se souhaiter que les prochaines années soient meilleures», lance-t-il, philosophe.

Par ailleurs, à la Ferme Manicouagan, M. Bérubé a beau avoir encaissé des pertes avec les fraises, il «est capable de s’en sortir», comme il le dit si bien. Il a d’ailleurs de beaux projets dans ses cartons.

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Haut Mélèze s’en tire haut la main

Baie-Comeau ­– Contrairement à d’autres producteurs de la Manicouagan, l’entreprise Haut Mélèze de Pointe-aux-Outardes connaît une bonne saison. La météo défavorable de juin et de juillet n’a pas nui à la croissance de sa production, spécialisée dans les plantes indigènes, aussi qualifiées de rustiques.

Charlotte Paquet

«Les plantes rustiques savent comment se défendre dans la nature. Elles sont toujours plus fortes, à moins d’être atteintes par une maladie en raison d’un insecte», explique la propriétaire de Haut Mélèze, Sylvie Corbin. «La pluie et le temps frais n’ont pas nui, car, à travers tout ça, il y a quand même eu des pics de chaleur et de soleil», ajoute-t-elle.

L’entreprise compte 13 sortes de plantes indigènes comestibles sur sa terre. Comme elles croissent dans leur sol d’origine, elles sont plus résistantes aux aléas de Dame Nature. La petite fraise des champs, dont la récolte est en cours, s’en tire très bien. Même chose pour la fraise des bois, l’amélanchier et la chicoutai, entre autres.

La récolte des framboises et de bleuets sauvages commence à peine, mais elle augure déjà très bien. L’agricultrice se dit même agréablement surprise en ce qui concerne du bleuet, qui s’annonce meilleure qu’en 2014. Le petit fruit avait alors souffert du manque d’eau.

Les rosiers rustiques ont aussi connu un été difficile l’an dernier. «Mes rosiers rustiques, dont je me sers pour la cabane à sucre, ont souffert de la sécheresse. Quand je m’en suis aperçue, il était trop tard. Ma récolte a été un désastre», rappelle Mme Corbin, qui dit préférer la pluie au gros soleil et à la canicule. Elle souhaite cependant que «cette pluie-là va finir par finir» et qu’une certaine chaleur s’installe afin de favoriser la croissance des rosiers, dont les fruits seront récoltés à la mi-octobre.

Projets reportés

La météo maussade de l’été a toutefois entraîné le report de deux projets, soit l’aménagement d’une fraisière et celui d’un jardin de légumes. «Je devais faire un jardin avec des carottes, des patates et des radis. Je devais faire quelque chose de nouveau, mais je me suis dit qu’à cinq degrés la nuit dans le sol, on allait oublier ça», raconte la propriétaire de Haut Mélèze.

Mme Corbin est fière de tout ce qui pousse naturellement sur sa terre. « Je n’ai jamais rien pris et transporté ici. C’est miraculeux», lance-t-elle d’un ton léger. Quand elle s’est lancée dans l’agriculture, il y a 30 ans, sa terre comptait cinq arbres d’amélanchiers. «Aujourd’hui, il y en a un peu partout sur le terrain grâce aux oiseaux et aux animaux», rappelle l’agricultrice.

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Gaïa connaît sa pire production en cinq ans

Baie-Comeau ­ ­– La production de légumes de la Coopérative de solidarité Gaïa sera moins bonne cette année en raison du temps pluvieux ainsi que du manque de chaleur et d’ensoleillement. Dans les faits, elle sera la pire en cinq ans, affirme sa coordonnatrice à la production, Mélodie Desrosiers.

Charlotte Paquet

Toutes les variétés qui se trouvent dans les champs du producteur maraîcher de Pointe-aux-Outardes souffrent de la météo de l’été 2015 d’une façon ou d’une autre, mais certains légumes sont plus atteints que d’autres. C’est notamment le cas des concombres, des tomates et des courgettes. Les plants sont petits et moins fournis. «On a eu une mauvaise floraison et une mauvaise pollinisation», admet Mme Desrosiers. Le temps frais de juin a ralenti la croissance des plants et le manque de chaleur de juillet n’a pas permis de favoriser leur croissance.

Les laitues ne sont pas trop touchées par la météo exécrable. Sans aller jusqu’à dire qu’il s’agira d’une excellente saison, la coordonnatrice parle d’une saison correcte, sans plus. Les légumes-racines semblent aussi s’en sortir pas trop mal.

L’ensemble de la production de la Coop Gaïa accuse cependant d’un retard dû au mauvais temps. La récolte des premiers brocolis vient à peine de commencer. C’est deux semaines plus tard qu’à l’habitude, précise la coordonnatrice.

 

 

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