Marché du travail: la Manicouagan affiche la plus forte dégringolade au Québec

Par Charlotte Paquet 12 avril 2016
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Baie-Comeau – Le marché du travail s’est amélioré dans 80 des 104 MRC du Québec entre 2009 et 2014, mais, pendant ce temps-là, la MRC de Manicouagan enregistrait la plus forte dégringolade avec un recul de 7,1 % du nombre de travailleurs.

Dans son bulletin 2016 sur l’évolution du marché du travail dans les MRC, l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) dresse un portrait sombre de la situation dans Manicouagan. Tellement sombre que l’organisme a même pris la peine de pousser plus loin son analyse. Il a ainsi découvert qu’avec ses 12 269 travailleurs (13 212 en 2009), l’année 2014 a enregistré une dixième baisse annuelle consécutive de l’emploi sur ce territoire qui s’étend de Ragueneau à Baie-Trinité.

Le recul de 7,1 % sur cinq ans frappe encore plus l’imaginaire en constatant que la MRC qui se situe au deuxième rang au Québec pour la plus forte baisse du nombre de travailleurs, soit la MRC Les Basques au Bas-Saint-Laurent, affiche un recul de 3,2 %. Un écart de près de quatre points sépare donc la première de la deuxième place.

Ça empire

Géographe à l’ISQ, Marie-Hélène Provençal admet que la situation est particulière dans Manicouagan. D’ailleurs, elle constate que la perte de vitesse de l’emploi s’est même accrue entre 2013 et 2014, comparativement à la progression sur la période de cinq ans.

Selon Mme Provençal, le ralentissement économique et le déclin démographique font partie de la combinaison de facteurs qui expliquent la situation. « La plupart des MRC de la Côte-Nord sont en déclin pour le taux de travailleurs, mais c’est vraiment Manicouagan où le recul est le plus marqué », mentionne-t-elle.

En Gaspésie et au Bas-Saint-Laurent, deux régions également aux prises avec une baisse de leur population, plusieurs MRC y vivent aussi des jours difficiles du marché de l’emploi.

Fait à noter, dans la région voisine du Saguenay-Lac-Saint-Jean, le marché de l’emploi s’est amélioré dans toutes les MRC, comme ce fut le cas en Abitibi-Témiscamingue, dans Lanaudière et au Centre-du-Québec.

Taux de travailleurs

Les données de l’ISQ révèlent que le taux de travailleurs, qui se calcule en tenant compte du nombre de travailleurs par rapport au nombre de personnes ayant produit une déclaration de revenus, démarque également la MRC de Manicouagan.

« Le cas de Manicouagan est particulier; entre 2009 et 2014, un ralentissement des activités dans les secteurs de la transformation des ressources naturelles s’est répercuté sur le nombre de travailleurs qui a chuté plus rapidement que le nombre de déclarants, lui aussi en baisse », lit-on dans le bilan.

Des 35 MRC du Québec dont le taux de travailleurs est supérieur à la moyenne québécoise de 75,9 %, c’est la MRC de Caniapiscau (Fermont) qui arrive en tête de ce classement qui couvre, il est bon de le rappeler, la période de 2009 à 2014. Caniapiscau trône même au sommet du tableau depuis 2010.

 

Réactions

(M. B.) – Selon Claude Martel, les restructurations chez Alcoa et Produits forestiers Résolu expliquent en partie cette baisse du nombre de travailleurs. Le préfet pense aussi que le départ des fonctionnaires comme ceux du Centre intégré de santé et des services sociaux (CISSS) de la Côte-Nord font du mal à la Manicouagan.

Pour contrer cette chute des travailleurs, M. Martel rappelle que Baie-Comeau a des projets à venir tels que la zone industrialo-portuaire, Mason Graphite ou l’hôtel de Canalta. Pour autant, le maire de la Ville ne peut affirmer que ces projets sont suffisants.

Pour empêcher que la Manicouagan ne se transforme en désert économique, M. Martel mise plutôt sur la préservation des ressources de la région. « On ne doit pas accepter qu’on ferme des machines à papiers à Baie-Comeau pour aller exploiter notre bois ailleurs », cite-t-il en exemple.

Le maire de Baie-Comeau croit qu’il est important de sensibiliser la population sur ce sujet. « Il va falloir qu’on se réveille, les gens ici », lance-t-il.

M. Martel dit également avoir le gouvernement dans son viseur. « Un maire ne peut pas être le seul à faire ça. Ça prend aussi un député pour interroger le gouvernement sur ces questions », précise-t-il.

Au Centre Émersion, l’adjointe à la direction et conseillère en emploi , Louise Desjardins, n’est pas surprise par la nouvelle. Elle ne croit pas vraiment aux projets de développement industriel dans la région, les grandes entreprises n’embauchent de toute façon plus assez de main-d’œuvre locale. « Les grandes entreprises achètent leur matériel en ville. Il ne s’adressent pas toujours aux sous-traitants d’ici », croit-elle.

Pour cette conseillère en emploi, le mieux, pour la Manicouagan, serait d’encourager l’entrepreneuriat. « Nous n’avons pas de culture entrepreneuriale pour nous sortir la tête hors de l’eau. On comptait trop sur les grandes entreprises », ajoute-t-elle.

Mme Desjardins le voit bien dans son bureau. La majorité des gens qu’elle reçoit veulent rester dans leur région, mais ils s’ouvrent de plus en plus au départ. « Dans un contexte morose, les gens se découragent et ne cherchent plus », pense-t-elle. Toutefois, Madame Desjardins précise que beaucoup d’entre eux cherchent aussi à se reconvertir, tant pour des raisons personnelles que pour s’adapter au marché.

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