La Côte-Nord, le bois d’œuvre et le libre-échange

Par Marcel Marsolais 29 août 2017
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La ronde des négociations de l’ALÉNA (Accord de libre-échange nord-américain) est en marche. Les États-Unis, fidèle à leur président, ont amorcé cette ronde de façon agressive. On ose espérer que le ton s’adoucira au fil des rencontres. Ce qui est certain cependant, c’est qu’ils jouent les victimes de ce traité.

Une des cibles préférées du gouvernement Trump nous touche directement dans la région : la question du bois d’œuvre que nous exportons chez eux. Remarquez, ce n’est pas uniquement le cas de la Côte-Nord, cela concerne toutes les régions productrices au Canada. Ce n’est pas le seul sujet autour de la table, mais disons qu’il nous touche en plein cœur.

Sur la Côte-Nord, il y a environ 1 700 emplois directs et 2 700 emplois indirects qui sont reliés à cette industrie. Au Québec, c’est plus de 60 000 emplois. C’est énorme.

Déjà en déclin depuis la crise économique de 2008, l’industrie du bois d’œuvre de la Côte-Nord peine à se relever et ne retrouve pas le rythme d’antan.

Dans la présente négociation de l’ALÉNA (et même avant), le Département du Commerce américain accuse le Canada de faire du dumping (entrée massive d’un produit à bas coût dans un pays). Ce dumping installerait une concurrence déloyale envers les producteurs américains.

Il n’en est rien, bien sûr, mais Goliath impose un droit compensateur de 12,82 %, qui peut varier selon les régions, sur l’exportation de nos produits du bois d’œuvre vers les États-Unis. Coup dur pour la Côte-Nord déjà fragilisée par le ralentissement de la demande de fer. Le Canada, encore une fois, conteste les prétentions américaines.

Cela vient donc à nouveau ralentir la relance de cette industrie qui montrait des signes de reprise. Mais si ce n’était que de cela…

Imaginez-vous donc que nos voisins du sud sont de très gros consommateurs de cette matière. Ils n’en produisent pas assez chez eux pour satisfaire leur demande. Il serait donc dans la logique des choses que le Canada, voisin et par le fait même la Côte-Nord, puissent satisfaire la demande américaine en bois d’œuvre.

Sauf que depuis l’imposition du droit compensateur, le bois d’ici devient moins compétitif pour les consommateurs américains. Le résultat? L’importation de bois d’œuvre étranger a augmenté en flèche aux États-Unis. La demande pour le bois allemand a augmenté de 900 %, celui de l’Autriche, de 180 % et ainsi de suite. Ces pays n’ont pas d’accord de libre-échange avec les États-Unis…C’est tout de même curieux.

Qui gagne dans cette situation abracadabrante? Personne, sauf les nouveaux fournisseurs des Américains.

Ceci dit, l’ALÉNA a tout de même été utile aux trois pays concernés, soit le Canada, les États-Unis et le Mexique. Il ne s’agit pas ici de se débarrasser de ce traité. La Côte-Nord en profite pour ses exportations, comme elle tirera profit du nouvel accord de libre-échange avec les Européens (dans les pêcheries entre autres). Trente-cinq états américains ont pour principal partenaire commercial le Canada. Ce n’est pas rien.

Toutefois, une région qui dépend exclusivement de ses exportations comme la Côte-Nord a tout à craindre d’un cycle de négociations trop long. Ce serait dommageable pour notre industrie.

Mais il y a une leçon à tirer de cette crise. Peu importe qu’il y ait entente ou pas, de plus en plus de joueurs internationaux exportent du bois d’œuvre vers les États-Unis. Ils grugent la part nord-côtière du marché.

Le nouvel accord (peut-être) sera d’une durée de 7 à 10 ans. Après, les contestations recommenceront comme d’habitude et notre part du marché américain se réduira à nouveau.

Trouvons vite de nouveaux marchés ou de nouveaux produits vraiment originaux.

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