Hausse du tarif LG : Québec verra « le diable en personne», avertit le maire Montigny

Par Charlotte Paquet 6 juin 2018
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Advenant une hausse majeure du tarif LG pour les projets liés à la technologie des chaînes de blocs, ” le gouvernement du Québec va avoir scrappé au complet le développement de l’électro-intensif à Baie-Comeau “, affirme le maire Yves Montigny.

Baie-Comeau – Si la levée du moratoire de Québec se traduit par une hausse importante du tarif LG par Hydro-Québec et que les promoteurs du monde de la technologie de chaînes de blocs tournent le dos à Baie-Comeau, le maire Yves Montigny avertit le gouvernement de s’attendre « à voir le diable en personne ».

« Si Hydro-Québec impose une augmentation du tarif de 10 %, je ne serai pas ben ben content. (…) Il faut rester concurrentiel avec le reste du Canada et du monde », plaide l’élu, qui craint de voir partir vers d’autres cieux les entreprises intéressées par les grands avantages de Baie-Comeau, avec lesquelles il discute depuis plusieurs mois. Le tarif LG se situe actuellement à 3,43 cents le kilowattheure.

La fraîcheur du climat baie-comois, les grands terrains disponibles et la proximité des barrages jumelés au tarif électrique sont comme des aimants pour les entreprises souhaitant faire des affaires dans les secteurs des centres de données et de la cryptomonnaie. Mais pour que les bottines suivent les babines, elles doivent obtenir une garantie d’approvisionnement en énergie à un tarif qui leur permet d’être concurrentielles. Or, elles demeurent dans l’expectative tant que le moratoire n’est pas levé et que le décret confirmant les grandes règles à respecter n’est pas adopté.

Le développement du secteur de l’électro-intensif qui tient tant à cœur au maire de Baie-Comeau est en péril. Pour une ville qui peine à retrouver sa vigueur économique d’antan, c’est inquiétant. « Ce décret-là est inquiétant pour les entreprises qui cherchent à venir s’établir ici. Si on se retrouve avec un tarif qui sort de la compétition, on peut se retrouver à tout perdre. (…) Le gouvernement du Québec va avoir scrappé au complet le développement de l’électro-intensif à Baie-Comeau », déplore M. Montigny.

Elle-même en attente

La Ville de Baie-Comeau est elle-même est en attente de la levée du moratoire pour pouvoir garantir à l’entreprise GPU.One le total de 15 mégawatts (MW) dont elle a besoin pour ses activités dans le bâtiment qu’elle a acquis sur l’avenue William-Dobell. En raison du moratoire, elle n’a pu que lui promettre 5 MW moins des poussières, soit le seuil possible sans demander l’aval d’Hydro-Québec. Son réseau de distribution actuel lui permettrait cependant de vendre les 10 MW additionnels.

Mais s’il fallait que le tarif d’énergie bondisse, rien ne dit que GPU.One passera à l’action, malgré l’annonce en grande pompe du mois d’avril et la création annoncée de 25 à 50 emplois sur plusieurs phases. « Je n’ai pas envie que GPU.One remette à vendre la bâtisse qu’ils ont achetée », souligne M. Montigny.

Il rappelle d’ailleurs qu’à la fin de 2017, alors que Québec n’avait pas encore imposé de moratoire, sa ville a déjà perdu un premier joueur parce qu’elle ne pouvait lui garantir sur-le-champ la quantité d’énergie dont il avait besoin pour se lancer en affaires. Il a préféré s’installer en Alberta.

« Nous, on demande 15 MW pour GPU.One et on demande un maximum de 350 MW pour l’ensemble des projets », précise l’élu, qui vise le développement d’un parc technologique au sud du boulevard Pierre-Ouellet  et la construction d’un deuxième poste de distribution électrique d’une capacité de 350 MW pour alimenter les entreprises énergivores qui s’y installeront.

M. Montigny répète que la levée du moratoire urge et que le gouvernement ne peut étirer ça tout l’été, d’autant plus avec les élections générales du 1er octobre. Il faut que ça se fasse d’ici la fin de l’actuelle session parlementaire, car il est clair, d’après lui, que des investisseurs potentiels regarderont ailleurs. « C’est la marge de manœuvre qu’on va perdre pour les prochaines années », déplore-t-il.

Se tirer dans le pied

Même son de cloche du côté du promoteur Jason Lagacé. « En faire un enjeu électoral, ce serait se tirer dans le pied, car plusieurs investisseurs ne voudront pas attendre », souligne le Baie-Comois, qui réclame l’achat de 112 MW d’énergie auprès d’Hydro-Québec pour lancer son important projet de minage de cryptomonnaie dans l’usine désaffectée de Kruger à Ragueneau.

Le jeune trentenaire confirme que l’un de ses investisseurs lui a déjà fait savoir qu’il n’a pas l’intention d’attendre quatre mois encore et qu’il ira investir ailleurs. Si le moratoire n’est pas levé rapidement, il n’est pas impossible qu’il doive retarder lui-même ses investissements, notamment en recherche et développement. Et s’il est levé, mais qu’une hausse importante du tarif LG est décrétée, c’est la réalisation même de son projet qui sera en péril.

Ce tarif, faut-il rappeler, est offert aux entreprises dont les besoins d’énergie sont d’au moins 5 MW. Il n’est pas question ici de tarifs préférentiels comme ceux des alumineries ou des papetières, insiste le promoteur, qui rappelle que l’énergie représente la principale dépense pour les entreprises du monde de la technologie des chaînes de blocs.

En se lançant en affaires dans ce domaine, dit-il, les promoteurs et leurs investisseurs prennent de grands risques et ils ne peuvent pas tout miser sur l’augmentation de la valeur de la cryptomonnaie. Les entreprises doivent s’assurer d’être rentables.

« J’ai l’impression que le gouvernement va à la pêche pour presser le citron le plus possible », conclut-il, le citron étant bien évidemment les gens qui pilotent les projets de ce secteur économique émergent.

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