Les Bergeronnes : la Fabrique Bon-Désir sacrifie les arbres de son cimetière

Par Shirley Kennedy 5:46 PM - 5 mai 2020
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Le comité de la Fabrique Bon-Désir promet que l’état actuel des lieux n’est que passager puisqu’une restauration du site est prévue ultérieurement. Courtoisie Yves Demers photographe

Ils étaient en quelque sorte les gardiens de l’histoire du cimetière des Bergeronnes. Du haut de leur haute cime et au gré des vents et tempêtes, ils sont devenus envahissants, voire dangereux. Leur présence est devenue un souci récurrent pour la poignée de bénévoles de la Fabrique Bon-Désir des Bergeronnes qui est passée à l’acte en janvier dernier, abattant tous les arbres du site. Alors que certains crient à « l’outrage à la beauté d’un village et à son passé », d’autres se montrent plus indulgents envers les bénévoles, « qui y sont peut-être allés trop fort, mais qui font leur possible ».

En janvier, trois bénévoles de la Fabrique Bon-Désir des Bergeronnes décident de passer à l’action et procèdent à la coupe de tous les pins blancs du cimetière.

Le bois de chauffage sera vendu au profit de la fabrique et dès les beaux jours, le comité entend restaurer le site et nettoyer les épitaphes, dont certaines datant de 1880, « ont été très abîmées par les arbres », précise la présidente de la fabrique, Sylvie Michaud, soulignant au passage que certaines familles déplorent l’état des monuments de leurs défunts.

Cette dernière assume la décision de son comité, mûrie de longue date. « On n’a pas fait ça sur un coup de tête, ça fait dix ans qu’on parle de couper ces arbres-là. On n’a pas fait ça pour le fun, c’était dangereux pour la sécurité des gens avec les fils électriques. »

Ce que déplorent Mme Michaud et le vice-président de la fabrique, Rodrigue Martel, c’est que personne n’a répondu aux nombreux appels à l’aide pour l’entretien de plus en plus exigeant du cimetière au cours des dernières années, en raison des arbres dont les racines, en plus de faire tomber les épitaphes, donnaient parfois du fil à retordre au moment de creuser une fosse.

« Quand tu creuses pour mettre un cercueil en terre et que les os du voisin tombent dans le trou, c’est qu’il y a un problème », explique la présidente de la fabrique.

Comme la majorité des fabriques de villages, celle de Bon-Désir ne roule pas sur l’or et peine à subvenir aux travaux d’entretien de l’église.

« On n’a pas d’argent. Ceux et celles qui ont des idées pour aménager le cimetière à peu de frais sont les bienvenus. Mais on en a fait des appels publics pour venir nous aider et ça ne répond pas, et les gens ne viennent pas aux réunions. La dernière fois, c’est moi et Rodrigue qui avons relevé les épitaphes pour les replacer sur leur socle. »

Néanmoins, après le confinement, le conseil de fabrique promet de tenir une rencontre publique afin d’expliquer à la population la démarche qui a mené au résultat que l’on connaît aujourd’hui.

Outrage

Comme plusieurs citoyens mécontents, Yves Demers n’en revient pas de la façon de faire « drastique » des marguilliers de la Fabrique Bon-Désir.

Il prétend que le comité n’a pas consulté la population, pas plus qu’il n’a fait la demande du permis municipal obligatoire pour couper les pins blancs du cimetière.

« C’était la seule pinède blanche de toute la région, petite de surface mais grande d’âge. (…) Pour le moins que l’on puisse dire, voilà une solution plutôt radicale, simpliste et sans respect », lance-t-il.

M. Demers cite en exemple le dernier repos de ses ancêtres, dont les épitaphes se trouvent au milieu d’une petite forêt d’arbres anciens dans une ambiance qui porte au recueillement.

« Voilà le minimum que l’on puisse faire pour eux et leurs descendants qui leur rendent visite à l’occasion. Sur la Haute-Côte-Nord, il semble que ce ne soit pas la norme. Le réflexe de premier niveau est de mise. Et pourtant ce ne sont pas les ressources qui manquent à proximité pour entretenir ce petit terrain! Les vieux arbres ne semblent pas avoir une grande valeur et des arbres dans un cimetière, ça dérange! Ça dérange qui au juste? »

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