Une MRC, une ville?

Par Raphaël Hovington 6:00 AM - 18 mars 2022
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Est-ce que l’idée de réunir les huit municipalités de la MRC de Manicouagan en une seule est pertinente actuellement? Notre chroniqueur en doute. Image Wikipedia

Si l’idée venait de la Ville de Baie-Comeau, celle-ci pourrait se voir accoler l’image de « gros méchant loup ». Du moins, c’est ce que l’ex-maire de Pointe-Lebel, Normand Morin, déclarait le 25 janvier dernier en tentant de trouver quelqu’un pour « allumer la mèche » et reprendre une idée que Joseph Imbeault avait lancé devant le conseil de la MRC de Manicouagan avant d’être battu par cinq voix à la mairie de Ragueneau.

C’est à se demander si M. Morin n’a pas tenté de lancer un pavé dans la mare pour faire oublier que sa fin de mandat comme maire de Pointe-Lebel pourrait aussi être qualifiée de chaotique puisque la municipalité se retrouve aujourd’hui dans une bien drôle de position après avoir accuser un énorme retard dans la livraison de ses états financiers de 2020 et n’ayant toujours pas produit de budget pour 2022.

C’est à se demander si le nouveau maire René Labrosse n’a pas eu raison d’interpeller la Commission municipale du Québec pour mettre sa municipalité en tutelle, elle qui n’a pas mis en ligne de procès-verbaux depuis le 29 avril 2021.

Quels sont les arguments invoqués par M. Morin pour chercher un repreneur de flambeau? L’absence de poids politique dans la région versus Sept-Îles ainsi que la possibilité pour les petites municipalités d’avoir accès à des services juridiques et d’ingénierie en intégrant la ville centre. Pourquoi régler ses problèmes quand on peut les « pelleter » dans la cour du voisin! Voilà la première réflexion qui vient à l’esprit, mais ce n’est pas la plus importante.

L’ancien maire de Pointe-Lebel suggère ni plus ni moins de relancer les vieilles chicanes de clocher entre Baie-Comeau et Sept-Îles, alors que ces dernières ont tout à gagner à travailler main dans la main pour trouver des solutions originales et inédites à la décroissance de la population, en devenant plus attractives, sans se livrer à de la compétition négative et obstructive.

Il semble jouer dans un vieux film comme vient tout juste de le faire l’ancien maire de Sept-Îles, Réjean Porlier, en désapprouvant le transfert de fonctionnaires à Baie-Comeau.

La Côte-Nord n’a pas besoin ni de capitale, ni de métropole, mais de parler d’une seule voix, forte et unie, pour obtenir son désenclavement par la construction d’un pont sur la rivière Saguenay et le prolongement de la route 138 jusqu’à Blanc-Sablon. Que ceux qui veulent nous replonger dans les chicanes stériles d’autrefois retournent à leur retraite et qu’ils laissent les esprits plus éclairés préparer l’avenir.

Cette idée d’Une MRC, une ville n’a rien de vraiment nouveau. En 1996, le ministre des Affaires municipales de l’époque, Rémy Trudel, a déposé une Politique de renforcement des institutions municipales visant la consolidation de 411 municipalités par des regroupements pour le 1er janvier 1999.

La Commission O’Brady a tenu des consultations régionales et a constaté qu’il y avait beaucoup de méfiance à l’égard des regroupements municipaux dans la MRC de Manicouagan. Et on se rend compte qu’aujourd’hui encore les maires ne sont pas chauds à l’idée de se rassembler dans une même et grande ville, pour les mêmes raisons de naguère.

La distance entre les municipalités qui joue contre le développement d’un sentiment d’appartenance, les dépenses supplémentaires devant la taille des municipalités regroupées, l’effet neutre des compensations : tout cela est encore d’actualité aujourd’hui. Personne ne veut allumer la mèche comme le souhaite Normand Morin.

L’ancien député péquiste de Saguenay, Gabriel-Yvan Gagnon, a fait savoir à la ministre Louise Harel (19 juin 2000) qu’il souhaitait que les municipalités comprises dans les limites des deux MRC de son comté soient regroupées en une seule ville. Un an plus tard, le 16 septembre 2001, il remettait sa démission.

J’ignore toujours si la ministre a comblé son vœu en mandatant la Commission municipale du Québec pour conduire des études de regroupement pour chacune des deux MRC avec leur ville centre. Mais s’il venait à l’esprit du ministère de créer des « brigades spéciales » pour accompagner les petites municipalités aux prises avec les mêmes devoirs que les villes, on ne pourrait qu’applaudir.

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