Opinion | Quel avenir pour les organismes communautaires autonomes en santé et services sociaux?
Monsieur Carmant,
Plusieurs indicateurs nous inquiètent quant à l’avenir des organismes communautaires en santé et services sociaux (OCASSS) et les signaux émanant de votre ministère n’ont rien pour nous rassurer.
Les OCASSS peinent à se remettre des deux dernières années qui furent éprouvantes. Plusieurs employés sont en congé de maladie pour épuisement professionnel, d’autres renoncent à prendre leur congé malgré leurs billets médicaux afin d’épargner la population de bris de services.
Les conditions de travail que peuvent offrir les organismes n’arrivent tout simplement plus à attirer et à maintenir du personnel, augmentant d’autant la charge de travail sur ceux qui restent.
Sur la Côte-Nord, depuis l’automne dernier, six organismes communautaires se sont mis en suspension temporaire des activités ou ont décidé de procéder à leur dissolution faute de relève. Tout indique que cette tendance s’accentuera dans les mois et les années à venir.
L’autonomie des milieux en péril
En parallèle, l’autonomie des milieux et des groupes est mise à mal par des projets imposés par le haut et par du financement sectoriel qui laisse derrière des organismes essentiels, créant des brèches dans nos filets sociaux locaux.
En effet, des projets comme celui des Éclaireurs et des Aires ouvertes tombent dans des milieux déjà bien au fait des problématiques concernés. Ces projets ne tiennent pas compte des dynamiques en place et ne misent pas sur les forces des milieux dans lesquels ils sont déployés.
Les investissements sectoriels, bien qu’ils permettent de constater les impacts d’un financement accru sur certains groupes communautaires, laissent en marge nombre d’organismes qui travaillent sur des enjeux importants mais moins visibles.
Nous comprenons difficilement comment d’un côté, l’on peut nous demander de répondre plus strictement aux critères de l’action communautaire autonome (ACA) alors que, de l’autre côté, le ministère nous impose des pratiques qui nous en éloignent.
Déception et désillusion
La faiblesse des investissements dans les OCASSS dans le dernier budget, et les efforts de communication pour en gonfler l’ampleur, ont été pour nous rien de moins qu’un choc.
Après avoir participé à tenir à bout de bras le tissu social pendant deux ans, après les mercis et la reconnaissance publique de notre importance, nous ne pouvions absolument pas prévoir de se retrouver devant la perspective d’une augmentation de 13 000 $ par organisme pour les cinq prochaines années.
Après le choc du budget est venu celui dévoilement du Plan d’action gouvernemental en action communautaire (PAGAC), qui ignore vastement les besoins des OCASSS bien qu’ils constituent les trois quarts des groupes d’action communautaires autonomes.
Comme pour ajouter l’insulte à l’injure, nous apprenions tout récemment qu’un montant de 400 000$ par année qui devait servir rehausser le budget de nos organismes servira finalement à payer des fonctionnaires du Ministère.
Dans ce contexte, il devient difficile pour les groupes de se projeter dans l’avenir. Alors qu’un des rôles du milieu communautaire est d’élargir le champ des possibles, le cynisme nous guette et risque de nous ronger.
L’action communautaire autonome est une innovation sociale québécoise qui prend source dans la volonté de personnes de s’unir pour répondre à des besoins identifiés dans leur communauté, elle fonctionne donc à son meilleur lorsqu’on lui donne les moyens de s’organiser et d’établir ses priorités d’actions et de développement.
Dans un contexte où les défis du 21e siècle demanderont aux communautés locales de faire preuve d’agilité et de résilience, l’ACA devrait être soutenue et célébrée plutôt que d’être instrumentalisée à des fins politiques ou pour maquiller les ecchymoses de nos choix de société.
Shawn Bourdages, coordonnateur, TROC Côte-Nord
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