Chronique | Sept jours de trop sur Tinder

Par Johannie Gaudreault 7:00 AM - 30 novembre 2022
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L’application de rencontres Tinder a fêté ses 10 ans d’existence cet automne. Ça faisait 10 ans que j’étais en couple. Je n’avais pas encore expérimenté le flirt nouveau genre, celui où tu balayes ton écran à droite ou gauche selon ton appréciation de la personne qu’on te présente. J’ai donc tenté l’expérience pendant une semaine par curiosité et peut-être avec un brin d’espoir de trouver le grand amour.

D’entrée de jeu, je tiens à le dire pour ceux qui en doutaient encore, je n’ai pas été ravie par mon essai. Je me suis sentie comme une petite fille devant le catalogue de Noël Sears. Au lieu d’encercler ce que je désirais pour Saint-Nicolas, je devais choisir entre la droite ou la gauche pour chaque homme du catalogue dont les pages sont infinies.

Certains pensent que c’est une chance d’avoir autant de choix. Pour ma part, je ne savais pas sur quel pied danser. Est-ce que je les sélectionne selon leurs photos, leur description, leur lieu de résidence, leur signe astrologique, s’ils ont un animal ou non? On y retrouve une foule d’informations, ça enlève tout le mystère de découvrir celui qui partagera notre vie.

Il faut que j’admette que je suis une fanatique du romantisme. J’imagine ma prochaine rencontre comme les coups de foudre dans les films. Vous savez la scène quand la fille fonce dans un gars par mégarde, échappe tous ses livres par terre et qu’il l’aide à les ramasser. Les mains se frôlent, les regards se croisent, timidement, et leurs cœurs battent la chamade, sans qu’ils ne s’y soient attendus.

« C’est arrangé avec le gars des vues », me dirait mon père. Mais ça existe dans la vraie vie des coups de foudre. Sur Tinder, ça ne peut juste pas arriver. On ne peut pas ressentir de tels sentiments derrière son écran. Impossible de savoir s’il sent bon, si ses mains sont douces, si les petits papillons sont présents dans notre ventre quand on le regarde dans les yeux.

Donc, le petit brin d’espoir de trouver l’amour avec un grand A est disparu aussi vite que mon inscription virtuelle a été activée. Mon envie d’expérimentation a pris le dessus et j’ai poussé l’expérience jusqu’au bout, pendant une semaine. Sept longs jours lors desquels j’ai eu l’impression d’avoir deux jobs.

En deux temps, trois mouvements, mon profil était créé. Trois photos, une courte description, mes informations de base et surtout, la raison de ma présence sur l’application, soit à la recherche d’une relation sérieuse. Parce que ceux qui veulent des rencontres d’un soir utilisent : à la recherche d’une relation à court terme.

Je dois avouer que Tinder est addictif. Je prenais le temps de bien lire les détails divulgués et d’analyser chacun d’entre eux jusqu’à ce que je sois blasée de voir les mêmes types de gars.

Il y a les personnes qui se pensent mystérieuses avec une photo noire, sans description, les hommes à moitié nus pour montrer leurs abdominaux ou leur bedaine de bière, c’est selon. Il ne faut pas oublier les humoristes en devenir qui essayent de se démarquer avec des phrases accrocheuses drôles et ceux qui précisent que l’enfant sur la photo n’est pas le leur.

En résumé, les quelques candidats potentiels qui m’ont fait de l’œil se comptaient sur mes doigts. À chaque fois que je prenais la décision de glisser vers la droite (ce qui signifie qu’on aime le profil), je me retrouvais avec un match. Un match arrive quand les deux personnes aiment le profil de l’autre.

J’en conclus que les hommes ont plus souvent le béguin. C’est d’ailleurs ce que confirme une étude : le taux moyen de match dans la quête d’une relation hétérosexuelle est de 50 % pour une femme et de 2 % pour un homme.

Une fois le match annoncé, il est possible de discuter avec l’autre personne. À moins de défrayer les coûts annuels, on ne peut pas connaître ceux qui ont aimé notre profil, ce qu’on appelle dans le jargon de l’application, les coups de cœur quotidiens.

Pour les voir, il faut sortir son portefeuille. Tinder a enregistré des revenus directs de 2 G$ en 2022. Plus de sept millions d’abonnés avaient adhéré à la version payante de la plateforme au premier trimestre de 2022. Pas moi.

Finalement, je n’ai discuté qu’avec trois prétendants. Le premier a commencé la conversation en demandant si j’étais à la recherche d’un fuckfriend (traduction polie : ami pour passer la nuit). Il m’a bloquée après que j’aie répondu par la négative. Les deux autres matchs qui ont engagé la discussion sont restés très vagues et voulaient surtout que je les ajoute sur d’autres réseaux sociaux. Tel qu’anticipé, aucun potentiel amoureux ne s’est révélé.

Force est d’admettre que j’ai aussi mes torts dans le processus. Je n’y croyais pas dès le départ, je ne recherche pas de relation en ce moment et je ne laisse pas la chance aux coureurs. Je crois que pour rencontrer son âme sœur sur Tinder, il faut être ouvert d’esprit et prêt à tout. Il ne faut pas se mettre de barrières comme je l’ai fait.

Certains réussissent à bénéficier de ce genre d’applications de rencontre. Avec le nombre d’utilisateurs comptabilisés, elles sont là pour rester.

Pour beaucoup, Tinder est perçu comme un immense supermarché de la rencontre, mais certains couples prouvent qu’il est peut-être le début d’une véritable histoire d’amour. D’ailleurs, 13,6 % des correspondances sur Tinder peuvent potentiellement se terminer par un mariage.

Pour les gens comme moi, qui croient encore au hasard de la vie, les épiceries et les bars sont encore à notre disposition pour un bon flirt entre deux navets. Chacun son choix!

Ne cherchez pas mon profil, il n’a pas survécu à ses sept jours d’essai.