Jésus, le premier influenceur ?

Par Colombe Jourdain 6:00 AM - 24 janvier 2023
Temps de lecture :

Originaire de France, Anthony Tingaud a déjà habité Baie-Comeau et il était de passage au Centre des arts de Baie-Comeau pour une résidence de création. Photos courtoisie

Anthony Tingaud est originaire de France. Il a d’abord entrepris des études à Chicoutimi, avant d’aboutir à Baie-Comeau pour y enseigner la littérature, au cégep. Il a donc habité près de quatre ans à Baie-Comeau, avant d’aller à Montréal pour y poursuivre ses études. Il était de passage au Centre des arts la semaine dernière pour une résidence de création.

Colombe Jourdain

L’idée de départ d’Anthony Tingaud pour écrire sa pièce de théâtre part d’une chronique qu’il a lu dans un journal et de la tribune accordée à ce chroniqueur, mais aussi aux influenceurs de ce monde. Dans le texte, le chroniqueur citait la maxime « nul n’est prophète en son pays » et la figure du prophète est également un élément qui l’a inspiré, en se basant sur Jésus et son statut de prophète.

« C’est ici que j’ai vraiment commencé à créer et à côtoyer la création au Québec. Baie-Comeau, ce sont mes premières rencontres artistiques avec Josée Girard et Marie-Hélène Beaudry qui m’ont beaucoup apporté quand je suis arrivé et elles m’ont beaucoup poussé. C’est pour cela que j’ai toujours envie de revenir à Baie-Comeau parce que j’y suis attaché, c’est ici que j’ai fait mes premiers contrats, que j’ai fait mes premières créations », raconte l’artiste.

L’environnement de la région inspire M. Tingaud. « Je trouve ça apaisant, j’aime ça être proche du fleuve et je trouve que c’est une belle place. J’adore sortir de Montréal pour venir ici, trouver un peu de quiétude et me concentrer sur ma création ». Il a d’ailleurs remarqué que l’odeur caractéristique du centre-ville n’était plus la même avec la fermeture de l’usine de Résolu.

Processus de création

En lisant la chronique, la prémisse de ce texte de théâtre lui est venu. « J’ai lu la chronique d’un chroniqueur assez connu et j’ai été frappé par le ton qu’il utilisait, par la position qu’il prenait et je me suis demandé pourquoi une opinion pouvait avoir une aussi grande tribune, pourquoi on donne une tribune à ces gens-là, pourquoi on leur attache autant d’importance et pourquoi y a-t-il tant de lecteurs qui suivent ces tribunes », lance-t-il.

De là, le rapprochement avec la figure du prophète a fait son chemin dans la tête de M. Tingaud. « Jésus est tout de suite venu dans mon esprit et que toute la courbe de vie de Jésus, on le définit comme un prophète alors qu’il était maçon et qu’on le reconnaisse sur le bord de l’eau, qu’on le baptise et qu’on lui dise : c’est toi le prophète. Et, il y a des gens qui le suivent, c’est une courbe très rapide pour, au final, se faire crucifier ».

Le lien avec les influenceurs, les chroniqueurs, les humoristes « qui ont des explosions fulgurantes et qui finissent, pour les bonnes raisons ou non, à se faire crucifier sur les réseaux sociaux. À chercher une résurrection, à essayer de revenir malgré tout contre vents et marées, parfois avec une indécence absolument incroyable…», commente l’auteur et même sans le nommer, se réfère à un certain humoriste visé par des allégations de nature sexuelles et qui essaie de faire son retour dans l’œil du public.

« Pourquoi placer ces gens sur un piédestal? », se demande-t-il. Et encore des questionnements. « Quand est-ce que la peur de perdre son statut apparaît? quand est-ce qu’on travesti sa pensée, sa façon d’être pour plaire aux gens? À quel moment, le discours dépasse l’entendement qu’on a et qu’on se renie un petit peu pour garder notre statut? ».

C’est à partir de ce questionnement qu’Anthony a écrit le premier jet de sa pièce alors qu’il était allé visiter ses parents en France. Il a écrit 1h45 de monologue en un mois.

En le proposant à une éventuelle metteure en scène avec qui il a déjà travaillé, elle lui a demandé de transformer son texte afin qu’il ne soit plus un monologue. Il a donc ajouté un personnage féminin, « un mixte entre Marie-Madeleine et Judas » et un autre personnage qu’Anthony jouera lui-même.

« Mon texte, c’est vraiment une réinterprétation de la vie de Jésus mais dans les traits d’un chroniqueur, j’ai réinterprété les grandes phases et réactualiser les évènements », amène l’auteur.

C’est le premier projet solo de M. Tingaud. Il a normalement l’habitude de créer en collectif. D’ailleurs, son dernier spectacle, ils étaient 10 à écrire sur le projet. De l’admission de l’auteur, « c’est vertigineux » d’être seul à écrire ce texte.

Médiation culturelle

Anthony Tingaud a rencontré des élèves de secondaire 4 à la polyvalente des Baies pour parler de son travail.

Dans le cadre de sa résidence de création au Centre des arts de Baie-Comeau, l’auteur est allé à la rencontre de jeunes de secondaire 4 de la polyvalente des Baies. « Ils étaient super curieux par rapport au métier de comédien. Je les ai trouvés super intéressés, ils avaient des questions assez pointues, du genre qu’est-ce qui m’inspire, comment je fais pour créer », relate-t-il.

Il a souvent entendu qu’à Baie-Comeau, étant un milieu plus ouvrier, les gens s’intéressent moins à l’art et la culture. Pourtant, il se rappelle avoir vu des salles pleines. « Il y a des gens qui font bouger les choses culturellement à Baie-Comeau et ils se battent fort pour qu’il y en ait de plus en plus. La création est importante, pas seulement à Montréal », conclut-il.

Il précise que son arrivée à Baie-Comeau lui a ouvert plein de portes et à chaque fois qu’il en a l’opportunité, il vient créer ici où il se sent attaché.

Partager cet article