Les Innus comme à la maison au Théâtre Duceppe

Par Alexandre Caputo 5:00 PM - 14 mars 2023 Initiative de journalisme local
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Emma Rankin sur la scène du Théâtre Duceppe, à Montréal, lors de la première représentation de la pièce Manikanetish. Photo Théâtre Duceppe

La Nation innue monopolise les planches du Théâtre Duceppe, à Montréal, dans le cadre de l’adaptation sur scène du roman Manikanetish, écrit par Naomi Fontaine, qui est originaire de Uashat mak Mani-utenam.

Pour la première fois en 50 ans, l’institution théâtrale de la Place des Arts ouvre ses portes aux réalités autochtones. Pour l’occasion, c’est une équipe d’acteurs, débutants comme vétérans, issus exclusivement des Premières Nations qui en dominera la scène.

La pièce raconte l’histoire de Yammie, une enseignante de français d’origine innue, qui quitte la ville de Québec pour revenir s’installer dans son Uashat natal. À travers la narration de son vécu, Yammie brosse la réalité des jeunes de sa communauté et les moyens qu’elle entreprend pour les amener à s’épanouir.

La première représentation avait lieu le 8 mars devant une salle comble, qui a accueilli des admirateurs autochtones comme allochtones.

La Place des Arts à 15 ans

La cadette de l’équipe a 15 ans et se nomme Emma Rankin. Emma en est à sa première expérience théâtrale et se considère chanceuse d’avoir brisé la glace en compagnie d’autres acteurs innus.

« C’est important pour moi de pouvoir faire connaître ma culture au public, mais le fait que cette culture soit au cœur de notre équipe est un sentiment incroyable », se réjouit Emma, qui est d’origine innue et anishinabe.

Celle qui joue le rôle de Myriam, une jeune femme fougueuse, qui n’hésite pas à défendre les intérêts de ses camarades et de sa communauté, avoue qu’elle a dû s’adapter à la personnalité de son personnage.

« Je suis plutôt timide et réservée normalement », note la jeune comédienne. « Myriam m’a donné le pouvoir d’assumer ma culture et de vouloir la défendre. Elle m’a appris beaucoup de choses, même si elle n’existe que sur scène ».

Un guide pour les jeunes

Charles Buckell-Robertson, un innu de Mashteuiatsh qui s’est établi à Montréal en 2018 pour poursuivre une carrière de comédien, jouait quant à lui un rôle de modèle pour les jeunes acteurs de la troupe.

« Je leur ai dit d’apprendre en regardant tout ce qui se passe [autour d’eux]. Comme quand tu es enfant et qu’un aîné t’amène dans le bois ; tu regardes et tu apprends », explique-t-il.

Celui qu’on a pu voir dans la série Pour toi Flora, dit avoir aussi beaucoup apprit de ses jeunes collègues.

« L’approche n’est pas la même quand tu joues pour gagner ta vie que quand tu en es à ta première expérience et que tu explores un nouveau métier », note-t-il. « Les jeunes m’ont permis d’avoir plus de plaisir et de laisser-aller en travaillant ».

Diversité encourageante

L’acteur de 33 ans a été élu à l’unanimité par ses pairs pour occuper un poste d’administrateur au niveau de l’Union des Artistes (UDA). Son but, en tant que membre du conseil d’administration, est d’améliorer l’image et l’inclusivité des autochtones à l’écran, en plus d’encourager les discussions portant sur les relations entre les communautés.

« Je vois déjà une amélioration si je compare à mes débuts [comme acteur] », se réjouit-il. « Les castings sont plus éthiques et inclusifs, et on peut voir des acteurs autochtones jouer autre chose que des autochtones sur une réserve », explique celui qui joue quatre rôles dans l’adaptation de Manikanetish, dont deux personnages allochtones.

La pièce Manikanetish sera en représentation au Théâtre Duceppe jusqu’au 8 avril.

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