Pendant que le gouvernement du Québec se fait toujours attendre pour apposer sa signature sur le projet de Traité Petapan, des experts en politique et en droit des Autochtones commencent à douter du courage politique de François Legault.
« La CAQ voit l’Assemblée nationale comme l’entité souveraine ultime au Québec », note Martin Papillon, directeur du Centre de recherche sur les politiques et le développement social de l’Université de Montréal. « La signature de ce traité historique viendrait limiter ce pouvoir absolu […] si le gouvernement provincial prend au sérieux la notion de relation nation à nation, il doit accepter de limiter l’autorité de l’Assemblée nationale. »
Le projet de Traité Petapan, mené par le Regroupement éponyme, qui compte les communautés innues de Mashteuiatsh, d’Essipit et de Nutashkuan, vise à reconnaître les droits ancestraux des communautés sur leur territoire.
« Ce qui est historique [dans ce projet], c’est la notion de reconnaissance des droits », explique M. Papillon. « Contrairement à la Convention de la Baie-James, dans laquelle les droits [des Cris] ont été éteints en échange de compensations, ce Traité viendrait reconnaître les droits [des Innus] et leur assurer, non seulement des compensations, mais aussi des dividendes futurs, en plus d’un partage du territoire et des ressources qui s’y trouvent. »
M. Papillon soupçonne un manque de courage politique de la part du gouvernement provincial.
« La mise en œuvre de ce Traité représente des défis de taille, tant au niveau de la logistique et de l’administration, qu’au niveau économique », mentionne-t-il. « Mais si on ne s’entend pas parce que ces défis nous font peur, on ne s’entendra jamais. »
Le professeur de l’Université de Montréal enjoint M. Legault à faire preuve du même courage politique que Bernard Landry, qui était assis dans sa chaise au moment de la signature de la Paix des Braves, en 2002.
« Bernard Landry a mis ses culottes et a dit : “ça nous prend une entente avec les Cris, il faut enlever nos œillères et être innovateur, nous devons signer quelque chose qui satisfait tout le monde”. »
Les négociations entre le Regroupement Petapan et les entités gouvernementales concernant ce projet de Traité ont débuté en 1979 et une entente de principe fut signée en 2004.
« Le délai entre le début des négociations et la signature du Traité le rend également historique », affirme M. Papillon.
Le gouvernement du Québec s’était engagé à conclure les négociations avec le Regroupement Petapan avant le 31 mars, engagement qui n’a pas été respecté. Les chefs des communautés du Regroupement ont, depuis, tenté à maintes reprises de s’entretenir avec le premier ministre, François Legault, mais cette rencontre se fait toujours attendre.
Des spectateurs attentifs
Seulement trois des neuf communautés innues de la province font partie du Regroupement Petapan. Selon Me Nadir André, avocat spécialisé en droit autochtone, François Legault est conscient que les tous yeux sont rivés sur les négociations actuelles et doit donc faire preuve d’une prudence supplémentaire.
« La signature de ce Traité va créer un énorme précédent », affirme-t-il. « Le gouvernement doit être en mesure de pouvoir livrer le même genre d’entente dans l’éventualité où d’autres communautés voudraient négocier un traité similaire ».
Me André soutient toutefois que la prudence dont peut faire preuve M. Legault dans ce dossier pourrait envoyer un message négatif aux autres communautés de la province.
« En voyant le Québec se dégonfler comme ça, suite à une annonce de signature imminente dans un contexte de revendications globales comme Petapan, ce n’est pas encourageant pour les autres Nations qui voudraient négocier. »
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