Les feux de l’insouciance

Par Réjean Porlier 7:00 AM - 17 juin 2023
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Bien sûr, la première chose qui nous vient à l’esprit lorsqu’on est face à ces énormes feux de forêt, c’est la sécurité de nos populations et les impacts directs sur plusieurs familles qui se seront retrouvées à la rue. L’idée de voir partir en fumée la demeure familiale, l’ensemble de nos biens et nos souvenirs, souvent le résultat de toute une vie, a de quoi faire grimper l’anxiété de quiconque. 

Malheureusement et on l’a vue encore une fois, la nature est imprévisible et lorsqu’elle se déchaîne, ça peut mener à des situations extrêmes, voire apocalyptiques.

Le moins qu’on puisse dire, c’est que depuis un moment, ça se bouscule chez Mère nature : Inondations, verglas, températures extrêmes, feux de forêt, érosion des berges et bizarrement, il se passe exactement ce que la science nous avait prédit : augmentation des phénomènes extrêmes et réchauffement de la planète.

C’est vrai, les feux de forêt font partie du cycle de régénérescence de celles-ci, mais il me semble qu’elles ont le goût de se régénérer pas mal souvent ces temps-ci et à bien des endroits en même temps.

Il serait peut-être temps que l’on commence à écouter ce que la science a à nous dire, cesser de nous mettre la tête dans le sable et prétendre aux phénomènes naturels normaux.

Je vous l’ai dit ? Mon père nous a quittés alors qu’il n’avait que 66 ans. J’aimais cet homme bon, intelligent, qui respirait l’assurance.

Un costaud au cœur léger, un bourreau de travail qui rarement critiquait quoi que ce soit, il agissait.

Il me disait ceci : l’homme est ainsi fait, il doit se rendre au bord du précipice, mais sait réagir avant d’y tomber.

Il avait tort, l’homme laissé à lui-même, court à sa perte. Il ne sait pas s’arrêter et se laisse gagner par l’insouciance.

Mon père a fumé tout au long de sa courte vie et n’a cessé qu’une fois le diagnostic tombé, comme si la guérison allait s’amorcer une fois les pieds dans le vide.

On m’a proposé d’écrire ce texte sur les feux de forêt et j’avoue avoir pensé à me coller le nez sur l’arbre pour ne pas voir la forêt, à faire fi du précipice et à rejoindre ce mouvement d’insouciance, où le consommateur consomme sans jamais s’inquiéter sinon de voir brûler sa maison pour cause naturelle… le feu.

Heureusement, cette nature qu’on néglige a été indulgente et choisi de faire sa part en nous arrosant un peu pour éviter le pire.

L’Abitibi est moins chanceuse, Mère nature se fait tirer la larme.

Quant aux Américains, incommodés par notre fumée, il s’en trouve pour nous reprocher notre stupidité, comme si nos frontières ne laissaient passer que la fumée et que les gaz à effet de serre restaient chez eux.

Stupide disaient-ils !

Comment tirer du positif de ce mauvais épisode ?

Lorsque le bateau coule, les vrais leaders se lèvent, ceux et celles qui sauvent des vies, parfois au risque de la leur.

S’il est réactionnaire, l’homme est capable du meilleur lorsqu’il est temps de venir en aide et je m’en voudrais de ne pas remercier les braves qui, sur la ligne de feu, combattent jour après jour ces énormes incendies, souvent jusqu’à l’épuisement.

Nul doute que ce sont nos héros du moment.

Une pensée aussi pour ceux et celles qui donnent un sens au mot solidarité et qui, d’une façon ou d’une autre participent à l’accompagnement des sinistrés.

Non vraiment, tout est là pour limiter les dégâts : les efforts, l’entraide locale, provinciale et même internationale, alors que nos cousins français viennent de débarquer, les ressources financières débloquées, un petit coup de pouce de la météo, etc.

En fait, il ne manque qu’une chose pour éviter que l’exceptionnel devienne la norme et que ces évènements malheureux se multiplient et c’est le leadership visionnaire de gouvernements qui n’en ont que pour l’économie, la guerre et la politicaillerie.

Pourtant, preuve est faite qu’il en coûte beaucoup plus cher de ne pas agir en matière d’environnement.

Cet énorme écran de fumée tombe à pic pour éviter de parler de certains choix plus douteux ; l’air de rien, au cours des dernières semaines, des détails importants sont une fois de plus passés sous les radars : avec la nomination de Michael Sabia à la tête d’Hydro-Québec, on a relancé les discussions sur le nucléaire sans trop de réactions, mais le grand paradoxe est sans contredit l’utilisation de gaz naturel non renouvelable pour alimenter une future usine de construction de batteries pour voitures électriques.

Décidément, un pas en avant, deux de reculons !

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