La lecture obligatoire à l’école

Par Raphaël Hovington 8:00 AM - 25 août 2023 Chroniqueur
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Combien de personnes parmi vous avez lu Les Anciens Canadiens? C’est pourtant le premier roman canadien-français, un ouvrage assez austère de Philippe Aubert De Gaspé! Ne comptez pas sur moi pour vous le résumer ; je l’ai lu il y a des lustres de ça. Mais je ne l’ai pas oublié. L’auteur y décrit la vie en Nouvelle France avant la conquête anglaise. Il ne figurait pas au corpus des lectures obligatoires au secondaire ni au collégial, peut-être à l’université. J’ai oublié.

Mais il y avait tout de même des lectures obligatoires. Maria Chapdelaine (Louis Hémon), Agaguk (Yves Thériault) chez les auteurs québécois et une kyrielle de romans comme Le Rouge et le Noir de Stendhal, œuvres de nos cousins français. D’ailleurs, les gens de ma génération sont bien plus familiers avec les écrivains français qu’avec ceux originaires de notre pays, si l’on excepte Gabrielle Roy et quelques autres. Je n’ai pas l’intention de vous donner un cours de littérature, mais de vous parler de rentrée scolaire.

Tout d’abord, tout ce que l’on entend, c’est que la rentrée coûte cher aux familles. L’inflation, l’excuse classique, gruge le portefeuille des parents et cause bien des maux de tête. On nous donne l’impression que c’est devenu la maladie du siècle, mais, pourtant, la rentrée scolaire a toujours occasionné des dépenses depuis des décennies. L’éducation est gratuite, mais les fournitures scolaires ne le sont pas. Il semble exister des programmes d’aide. Certaines écoles développent des initiatives louables. Parfois, les communautés se donnent les moyens de soutenir les familles dans le besoin comme c’est le cas avec des organismes comme Centraide.

L’éducation n’a pas de prix. On ne devrait jamais lésiner sur les moyens pour la rendre accessible à tous, même si certains outils d’apprentissage sont de plus en plus sophistiqués. De mon temps, on utilisait un boulier pour compter; aujourd’hui, on utilise une machine à calculer, peu importe qu’elle soit disponible sur un ordinateur ou un téléphone intelligent. Les réponses sont au bout de nos doigts rapidement, même s’ils ne servent plus à calculer comme autrefois.

Comme je n’ai pas d’enfant, je ne suis pas en mesure de conseiller adéquatement les parents ni évaluer les défis qu’ils doivent relever pour favoriser la réussite scolaire de leur progéniture. Mais je sais que la tâche est lourde et que nos gouvernements devraient investir davantage pour créer des environnements favorables à l’apprentissage scolaire. D’abord, en modernisant nos vieilles écoles, puis en recrutant des professeurs qualifiés. La pénurie d’enseignants que l’on vit présentement a incité les autorités du ministère de l’Éducation à réduire certaines exigences. On recherche des professeurs ferrés dans leur matière, mais pas forcément ayant réussi tous les examens de psychopédagogie.

Pourtant, les enseignants sont avant tout des pédagogues. Ils devraient maîtriser les techniques de transmission du savoir. Récemment, quelques-uns d’entre eux ont préconisé le retour des classiques à l’école. L’idée est excellente, voire judicieuse. Mais la réaction des jeunes est plutôt mitigée. Qu’est-ce qu’un classique pour un élève de secondaire 5? Ce n’est certainement pas la vie des saints martyrs canadiens, ni les fables de Lafontaine ou Les Misérables de Victor Hugo, encore moins Le Survenant de Germaine Guèvremont, ni Bonheur d’occasion de Gabrielle Roy ou les poésies d’Émile Nelligan. 

Pourtant toutes ces œuvres contribuent à enrichir l’esprit et à approfondir la nature humaine. Qui se risquera à définir la liste des classiques à lire obligatoirement à l’école? Je ne sais pas, même le ministre Bernard Drainville est plutôt froid à cette idée. Il s’en remet à l’intelligence et à la sensibilité des professeurs. Je crois qu’il a raison, mais la lecture doit retrouver une place de choix à l’école. Pas juste la lecture, mais aussi l’analyse des textes et la dictée, ses plus fidèles compagnons qui, comme des épices le font pour le goûter, distillent les papilles de la curiosité pour que s’opère le miracle du savoir. 

Prendre le goût de la lecture, c’est comme remonter une rivière jusqu’aux sources du savoir et de la connaissance humaine. Lire, c’est aussi une invitation à maîtriser notre belle langue française, à la « parler » correctement pour faire rougir ce professeur qui, il n’y a pas si longtemps, ridiculisait l’accent québécois. Honte à lui, surtout qu’il a cherché à minimiser l’impact de son propos en se réfugiant derrière la banale excuse de la plaisanterie.