Piétacho, Pineault et Desrochers, personnalités de l’année de l’Actualité

Par Émélie Bernier 7:00 AM - 12 Décembre 2023 Initiative de journalisme local
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John Pineault se consacre maintenant à l’ostréiculture, un projet de longue haleine qui le passionne. Après 5 ans, sa conjointe Josée Périard et lui ont enfin pu offrir les premières huîtres de la Ferme Manowin « Et ce sont les meilleures au monde ! », rigole-t-il avec bonhomie. La Ferme Manowin a remporté le prix Émergence du Gala du Mérite touristique Côte-Nord.

L’auteur Jean-Benoît Nadeau décrit le chef d’Ekuanitshit Jean-Charles Piétacho, l’ex-maire de l’Île d’Anticosti John Pineault et le géologue émérite André Desrochers comme le « trio de roc » derrière la nomination de la perle du Saint-Laurent au patrimoine mondial de l’UNESCO. À ce titre, les trois hommes méritent le titre de personnalité de l’année, volet Environnement, du magazine L’Actualité. 

« C’est spécial », lance John Pineault, touché de faire partie des nommés avec « André » et « Jean-Charles ». Les trois hommes ont été sur la même ligne de front. Et ils ont gagné la bataille en se serrant les coudes. 

« À travers tout le processus qui a mené à la nomination d’Anticosti, notre objectif était de camper l’île à l’endroit où elle devait être », résume John Pineault. 

Il n’est plus élu à Anticosti, mais s’implique toujours à titre de vice-président de Tourisme Côte-Nord. La destinée d’Anticosti lui tient toujours autant à cœur. « La seule raison pour laquelle j’ai accepté de rester sur le c.a., c’est vraiment pour essayer de faire avancer les dossiers à Anticosti ! », rigole-t-il. 

Un honneur à partager

La nouvelle de la nomination de l’Actualité doit rejaillir sur des dizaines de personnes.  

« Ce qui me rend un peu triste, c’est qu’il y a tellement tellement de bon monde qui ont travaillé là-dessus et qu’on oublie. Quand les projets pétroliers ont commencé, tu avais Manon Massé qui se levait en chambre pour les dénoncer ! Québec Solidaire avait une députée, le droit de poser une question par mois, et c’est d’Anticosti qu’elle parlait ! Couillard, qui a racheté les claims pour 130 M$ en période d’austérité… Les gens nous disaient que c’était impossible de gagner contre les pétrolières et on leur a botté le cul ! »

Il fallait dire « oui » à quelque chose, et ce fut l’UNESCO, rappelle-t-il.

John Pineault est particulièrement fier que le processus de nomination, une démarche frôlant les 3 M$, ait été complété à coût nul pour les quelque 200 contribuables. Et de la rapidité avec laquelle il a été complété, soit environ 7 ans, plutôt que les 12 ans nécessaires en moyenne. 

Autochtones et allochtones, même combat

Les bénéfices collatéraux de toute cette entreprise le touchent encore. « L’amitié qui s’est bâtie avec le Chef Piétacho est précieuse. On travaille à faire grandir les liens entre Ekuanitshit et Anticosti. La moyenne de l’âge de la population de Port-Menier est de 56-58 ans, celle d’Ekuanitshit, à 15 minutes d’ici, est de 23 ans. Il y a un win win à faire », estime John Pineault. 

En début d’année, John Pineault et Jean-Claude Piétacho, avec des représentants de la Sépaq, se retrouveront à Ekuanitshit pour rencontrer les habitants de la communauté. L’objectif ? Faire connaître les possibilités d’emplois sur l’île, qui fait partie de leur Nitassinan. « Si j’étais un jeune Innu, je serais fier, je pense de venir travailler sur l’île et de savoir que je la protège ! »

John Pineault voit d’un très bon œil le fait que la députée de Manicouagan, Kateri Champagne-Jourdain, elle-même Innue, soit ministre de l’Emploi. 

Il s’en voudrait de ne pas mentionner le dévouement et la rigueur d’André Desrochers. « Quand je l’ai rencontré, il prenait sa retraite après 30 ans de recherche ici et il était un peu déprimé, parce qu’il n’avait pas de dauphin, personne pour reprendre ses recherches… C’est là que je lui ai offert de devenir conseiller scientifique. Il a fait une job merveilleuse ! »

La liste de ceux avec qui John Pineault souhaite partager le titre de personnalité de l’année ne cesse de s’allonger. La chargée de projet de la candidature d’Anticosti au patrimoine mondial UNESCO Katie Gagnon, les groupes écologistes Équiterre, Nature Québec, Greenpeace, la fondation Suzuki, l’ex-ministre de l’Environnement Isabelle Melançon…

« Nous trois, on est la pointe de l’iceberg ! Dans le fin fond, la vraie personnalité de l’année, c’est Anticosti ! », conclut-il.

Liesse et vigilance

John Pineault a accueilli la nouvelle de la nomination d’Anticosti à l’UNESCO avec un bonheur indicible. 

« Aujourd’hui, on sait que l’avenir de l’île, c’est la chasse, la pêche, la villégiature et d’être un grand laboratoire à ciel ouvert comme ça a toujours été. On y a cru, qu’on vivait sur une île particulière. Et c’est reconnu internationalement maintenant. »

Cette reconnaissance n’est pas une fin en soit, insiste-t-il. « C’est comme un coffre à outils ! Comment on va bâtir le futur ? C’est important d’y penser et de bien le faire », commente John Pineault, qui ne cache pas ses préoccupations. 

« Au Québec, la gestion d’un site du patrimoine mondial est automatiquement confiée à SÉPAQ. À Anticosti, j’étais contre ce principe, parce que c’est la seule place où la Sépaq est un pourvoyeur et il y a beaucoup trop de potentiel de conflit d’intérêts », dit celui qui prône plutôt le modèle d’une société de gestion paritaire, avec des représentants de la municipalité, de la SÉPAQ, de la MRC, des deux nations innues…

Cette structure n’existe pas encore. 

« Je ne veux pas jouer aux belles-mères, mais avec la formation de cette société, tu aurais des administrateurs qui pourraient, de façon légitime, revendiquer auprès des gouvernements. Le fait qu’Anticosti est patrimoine mondial, c’est le temps de frapper un grand coup et de régler des problèmes systémiques : le transport, l’eau potable… »

La récente annonce concernant le parc marin l’a étonné. « Je n’ai absolument rien contre, mais avant que le gouvernement se lance, j’aimerais d’abord qu’il remplisse ses obligations envers l’UNESCO. Apprenons à marcher avant de courir. »

« On l’a fait extrêmement rapidement pour un dossier UNESCO, et ça, c’est parce qu’on avait une équipe du tonnerre ! » 

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