Chronique de Réjean Porlier ǀ Les grands obstacles

Par Réjean Porlier 5:00 AM - 15 décembre 2023
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Photo capture d'écran, archives

Il y a plusieurs façons d’aborder le développement et notre réflexe naturel nous porte généralement à rechercher le coup de circuit, qui nous ferait faire un grand bon vers l’avant. L’extase de ces grandes réflexions, où on s’imagine voir débarquer de mégas projets qui changeront le visage de notre économie, a souvent servi d’écran pour faire oublier notre incapacité à résoudre des éléments clés de notre développement local et régional. 

Ces éléments clés, vous les connaissez aussi bien que moi :

1) Le libre accès à notre territoire, qu’il s’agisse de desserte aérienne, maritime ou même terrestre, libre, accessible et efficace ou même de désenclavement de la région. Saviez-vous que le circuit par autobus a été amputé de façon importante ces dernières années, ne couvrant plus la semaine lorsqu’il est question d’aller-retour vers les grands centres ? 

2) Élargissement de l’offre universitaire chez nous, pour espérer grader nos jeunes et qui sait, en attirer d’autres comme ça se passe partout ailleurs. 

3) Offre adéquate en matière de logement pour toutes les couches sociales de la communauté. 

4) Mise à niveau et développement de l’offre en matière de loisir. Etc.

Chacun de ces vecteurs de développement a permis aux autres régions du Québec de se développer. La Côte-Nord paie chaque jour le fort prix de leur déficience, alors que sortent par la grande porte les ressources naturelles, une tendance là pour rester, semble-t-il. À ne pas en douter, chacun de ces éléments clés a exigé des autres régions, et particulièrement les plus éloignées de la Capitale-Nationale, de grandes et larges mobilisations pour espérer obtenir le soutien de nos gouvernements.

La façon la plus concrète d’assurer notre développement repose sur l’acquisition de ces outils, qui nous font cruellement défaut. À défaut de quoi, nous aurons beau avoir toutes les usines que nous voudrons, à ne plus savoir où les mettre, nous demeurerons le garde-manger de la province et continuerons de nous plaindre du peu d’intérêt qu’on nous porte. Avons-nous pour ambition que nos cités régionales deviennent des lieux phares du « fly in/fly out » québécois ?

Les grands obstacles à notre développement sont connus, documentés et ont fait l’objet, au fil des décennies, de nombreuses représentations. Ils n’ont tout simplement pas reçu l’attention de nos gouvernements.

Assurons-nous de les remettre à l’ordre du jour, d’autant plus que le gouvernement Legault, lui, ne se gêne pas pour afficher ses grandes ambitions et une fois de plus, il regarde vers la Côte-Nord. Nos ambitions sont certainement aussi légitimes que les siennes… non ?

Malheureusement, le dossier du transport aérien est un bon exemple de l’intérêt du premier ministre pour notre région. Depuis le début, il se refuse obstinément à poser la question fondamentale :

Que doit-on mettre en place pour rétablir le trafic aérien régional au Québec qui s’est effrité au point où le Québec est bon dernier de classe ? Plutôt paradoxal pour un premier ministre qui a mainte fois dit vouloir rattraper le retard du Québec sur d’autres provinces. On aurait pu penser que son passage chez Air Transat aurait fait de lui un homme mieux avisé en matière d’aviation, mais vraisemblablement, il ne faudra pas compter sur sa grande expérience en la matière. 

Sans doute est-il plus sensible aux puissants lobbys qu’à l’impact dévastateur de la situation sur nos économies régionales. En fait, M. Legault ne semble interpellé par les questions régionales, que lorsqu’elles sont parties intégrantes de son agenda politique, comme c’est le cas pour l’exploitation des ressources naturelles dont les métaux stratégiques et l’énergie. 

Bref, notre plus grand obstacle lorsqu’il est question de nos outils de développement, est d’intéresser le premier ministre. Le jour où M. Legault verra un lien entre un réseau aérien régional performant et ses propres ambitions, nous serons en avion.

Et M. Montigny dans tout ça ? Il sourit et nous dit que ça va plutôt bien, et ce, malgré un trafic aérien anémique, voire rachitique dans son propre comté. Lui qui, pourtant, nous promettait de faire la différence, a plutôt opté pour le style du PM : il s’agit d’huiler la roue qui grince le plus et d’injecter quelques millions $ pour rétablir un vol ici et là, histoire de faire baisser la grogne des gens d’affaires. 

Le problème de l’aviation régionale au Québec n’a rien de complexe, il est simplement mené par les intérêts de tout un chacun et plutôt que d’assumer un leadership et donner le ton à un changement de paradigmes, on s’en remet à de grandes messes où l’on s’entête à réunir fois après fois, ces mêmes groupes d’intérêts, en espérant qu’ils se réinventeront. 

Un peu comme si on demandait aux renards ce qu’ils comptent faire du poulailler…