Une Française perdue sur la Côte-Nord
La petite Charlotte déjà destinée à aimer le pays enneigé du sirop d’érable. Photo Brigitte Vuillemin
Fraîchement débarquée d’Europe après plusieurs années à papillonner dans ma douce France, j’ai décidé de rejoindre mon meilleur ami déjà immigré au pays des orignaux et crobes de mer depuis quelques mois. Si la neige n’est plus très présente en France, comme les températures négatives, j’ai choisi de venir là où la neige est présente 9 mois par année et qu’un -15 degrés est considéré comme « ça vo, i’fait po si frette ».
Mais qu’ai-je donc fait, tabarnak?
Trêve de plaisanteries… Après un été à découvrir cette magnifique région remplie d’immenses forêts, de lacs inestimables et de cascades spectaculaires comme je n’en avais jamais vu auparavant, j’ai choisi de poser mes valises définitivement.
Un automne plutôt court à découvrir mon nouveau job de journaliste, me battre pour avoir mon permis de travail (et Dieu sait que c’était long) et pouf, l’hiver est là. Les premières neiges de novembre ont eu raison de moi, je suis tombée amoureuse de ce petit coin de paradis bucolique. Si cette vie radicalement différente pour moi est plus qu’apaisante et me réussit à de nombreux égards, une ombre pointe le bout de son nez dans ce tableau presque parfait : la solitude.
J’ai troqué mes clics et mes claques, contre des vents et des flaques, des flocons de neige pour oublier que, de là où je suis, je suis seule. Entourée de mes pensées et mes peurs, j’ai pris pour la première fois de ma vie mon courage en otage pour enfin vivre ma vie comme je l’entendais. Loin de ma famille, aimante et protectrice, je n’ai jamais manqué de rien bien au contraire. J’ai souvent été couvée comme « la petite dernière », et surprotégée. Alors aujourd’hui, vivre enfin ma vie d’adulte seule et livrée à moi-même sans replis possible n’est pas chose aisée. J’ai trouvé mon courage et mon goût pour l’aventure lors de mon emménagement ici, mais à quel prix?
Comment décrire objectivement ce que cela représente de passer les fêtes de fin d’année seule dans un pays où les codes me sont encore pour beaucoup inconnus. Que faire le 25 décembre? Netflix me répondra sûrement mieux que je ne pourrai le faire moi-même. De quoi vais-je me sustenter? IGA saura peut-être me le dire la veille. Au revoir le chapon de papa, le foie gras de maman et la bûche végan de ma sœur que j’aime tant (ma sœur, pas la bûche végan). Mon programme? Sûrement une petite balade au bord de la rivière Manicouagan, un chocolat chaud et un bon nanard bien français, bien de chez moi pour me réconforter. Car, si je m’acclimate à la vie québécoise, mes racines ne sont jamais bien loin.
Mais ne vous méprenez pas, je vous adore les Québécois, même si je peine encore à vous comprendre au bout de 5 mois icitte… Apprendre et comprendre vos sacres, déchiffrer votre accent très peu prononcé et votre vocabulaire quelque peu abstrait pour moi. Toutes ces choses qui font que j’adore chacune de mes journées passées à vos côtés. Grâce à vous je découvre une communauté généreuse, bienveillante et tellement chaleureuse. L’amour de votre pays et votre respect pour autrui est une réelle fascination pour moi, car ce n’est pas un mensonge, les Français sont aigris et un peu cons, il faut bien s’l’avouer. Jamais content, très peu souriant et toujours râleur, voici le quotidien d’un bon Français digne de ce nom (et encore, je ne vous parle pas des Parisiens).
Alors pour la fille hyper sensible et hyper émotive que je suis, c’est à la fois complètement incroyable et incongru de découvrir une communauté naturellement gentille et si bienveillante. Au début, j’ai eu beaucoup de mal à accepter cette générosité gratuite, ce n’était pas dans mes mœurs. C’était si utopique et inconcevable pour moi que je pensais que tout était calculé et hypocrite. Et non!
Alors si vivre seule à l’autre bout du monde est loin d’être simple, si la solitude est difficile à vivre au quotidien, vous, mes chers quelques amis québécois êtes devenus les piliers de ma nouvelle vie.
Pourquoi m’être exilée à Baie-Comeau me demanderez-vous?
Je ne trouvais plus de sens à ma quête. C’est comme si je tournais en rond autour d’un poteau, toujours ce même poteau, sans jamais voire ailleurs, ayant perdue tout goût pour l’aventure et mon ambition pourtant si grande il y a quelques années. Je camouflais mon bonheur dans une vie de fêtes pour cacher ma déprime. S’il ne fut pas simple pour moi d’en sortir indemne, il m’eût été donné la chance de pouvoir rebattre les cartes et les redistribuer à ma guise pour mieux jouer. Oui, ça, c’était dans mes cordes.
Heureusement, car j’avais ce besoin au fond de moi qui bouillonnait comme un volcan en pré-éruption de retrouver la petite Charlotte. Celle qui fonçait tête baissée n’importe où sans jamais se retourner, sans avoir peur, qui faisait tout ce qu’elle voulait avec une telle insouciance et une joie de vivre communicante à qui le voulait bien.
Alors venir ici a été pour moi le premier pas vers ma rédemption, à moi-même, à la petite Charlotte qui avait tellement de rêve qu’il en était difficile de la suivre. Devenir avocate pour défendre les opprimés, être psychologue pour travailler à Shutter Island, devenir championne du monde d’équitation ou encore ouvrir ma propre start-up, tant de choses qui, un jour, m’ont fait rêver. Qui m’ont rappelé qui j’étais, et qui je devais devenir. Car si je veux être fière de moi, je veux également rendre fiers mes proches qui ont tant donné pour moi.
Donc quoi de mieux pour moi que de devenir journaliste aujourd’hui, quand on sait que mes plus grands exutoires sont la lecture et l’écriture (et les commérages, mais chut, ça, c’est un secret)? J’ai sans doute enfin trouvé ma voie, celle qui vous épanouit, vous tire vers le haut un peu plus chaque jour et vous permet de respirer à nouveau l’air pur.
Comment je le sais? Parce que selon ma maman : « Le Québec te réussit ma fille, tu resplendis! ». Il m’aura fallu 27 ans pour comprendre, mais aujourd’hui, je sais. Je suis là où je dois être.
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